Briguer la liberté

Dans La fractale Baudelaire, de Lisa Robertson, la narratrice retrace, grâce à la fréquentation de l’art et de la littérature, les différentes mutations qui l’ont conduite à la version actuelle d’elle-même. À cinquante-cinq ans, Hazel Brown revient sur son passé en suivant le fil rouge du désir. Au passage, elle tente de départager ce qui relevait de sa véritable nature de ce qui appartenait plutôt à une construction de l’esprit, érigée petit à petit et à l’insu même de la principale concernée. La question se pose : peut-on s’imaginer en dehors de la représentation, s’affranchir des images et des mots dominants pour maîtriser son existence ? Ou est-on condamné.e à incarner le dérivé de notre culture, endossant – en tant que jeune fille, dans le cas présent – la figure de l’égérie, perpétuellement modelée selon les fantasmes des hommes ? DU GRAND PÉRIL QUE REPRÉSENTE LE TERREAU DE TOUTES LES POTENTIALITÉS INVOQUÉES PAR LE PERSONNAGE, ÉMANE UN VERTIGE QUI IMPRÈGNE L'ENSEMBLE DU ROMAN. La phase liminaire Dans une chambre d’hôtel de Vancouver, la narratrice se réveille avec la nette impression qu’elle a écrit l’œuvre baudelairienne. À partir de cet étonnant constat, elle refait le parcours de sa jeune vie d’adulte, tandis qu’elle habitait de …