Œuvres du chaos

L’image est apparue à l’écran de mon ordinateur. Un dessin épuré, trait noir sur fond blanc. Dans un salon, un fauteuil inoccupé faisait face à un téléviseur d’où émanait un bulletin de nouvelles. Au moment où l’on se demandait à qui s’adressaient ces infos retentissant dans une pièce vide, notre regard balayant l’image, on comprenait tout. Un personnage était assis par terre, caché derrière le fauteuil, terrifié par ce qui sortait de l’écran. C’était en France, fin mars 2016, un peu après les attentats de Bruxelles – qui avaient succédé à ceux de Paris, qui avaient succédé à ceux de l’Hyper Cacher, qui avaient succédé à ceux de Charlie Hebdo... Dans le personnage derrière le fauteuil, je me suis immédiatement reconnue. Le monde dans lequel je vivais, et que je ne voyais guère plus qu’à travers un fil de nouvelles sur Internet tant j’avais peur de sortir, me semblait n’être que fureur. M’est alors venue une phrase. Prends un livre. Cette phrase, c’est mon père qui me l’a dite un nombre incalculable de fois, depuis mes cauchemars d’enfant jusqu’à notre conversation téléphonique de la veille, lorsque je lui avais parlé de mon incapacité à encaisser ce pays anxiogène dont les frasques et agitations folles m’étaient …