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Reconstituer l'histoire

Reconstituer l'histoire

L’histoire et les enjeux liés aux communautés autochtones nord-américaines sont au cœur de l’actualité. Le plus récent livre de Roland Viau ajoute de nouveaux éléments à nos connaissances sur le sujet.

Essai

L’histoire et les enjeux liés aux communautés autochtones nord-américaines sont au cœur de l’actualité. Le plus récent livre de Roland Viau ajoute de nouveaux éléments à nos connaissances sur le sujet.

L’ethnohistorien Roland Viau publie aux éditions du Boréal un essai particulièrement actuel, puisqu’il aborde non seulement les enjeux autochtones à l’époque de l’arrivée des premiers Européens dans la vallée du Saint-Laurent, mais aussi le rôle des épidémies dans la disparition de ce qu’on appelait jadis la Laurentie iroquoienne. Le résultat, intitulé Gens du fleuve, gens de l’île, jette un nouvel éclairage sur une communauté de la région de Montréal éteinte il y a près de cinq cents ans.

Avec cet essai scientifique, Viau nous fait d’abord découvrir ce qu’était l’archipel dit d’Hochelaga. Nous explorons les terres occupées par les communautés iroquoiennes (l’appellation est ici liée à la famille linguistique) et en apprenons plus sur leur mode de vie, leur culture et les répercussions indéniables de la rencontre avec les Européens.

Archéologie, science et histoire

Bien que la structure de l’ouvrage ne soit pas à proprement parler chronologique, nous pouvons compter sur un résumé des dates clés associées à cette histoire du secteur d’Hochelaga. Cette synthèse inclut les voyages au Canada de Cartier et de Roberval, qui ont rencontré les habitants du pays et les ont décrits dans leurs récits. Les premiers chapitres nous invitent ensuite à comprendre ce que nous entendons par la Laurentie iroquoienne et à imaginer à quoi ressemblait la région de Montréal avant l’arrivée des explorateurs: un territoire habité depuis des millénaires et une histoire d’occupation qui évolue au gré des découvertes archéologiques. Ces dernières ne cessent d’améliorer notre compréhension de l’occupation du secteur, mais aussi de l’évolution du mode de vie des habitants. Les cartes intégrées à l’ouvrage sont importantes et nous aident à visualiser ce territoire, qui était très différent de ce que nous connaissons aujourd’hui. Les images d’artefacts, comme le wampum, humanisent un début d’histoire qui aurait pu s’avérer très factuel en raison de l’absence de documents écrits laissés par ces communautés, chez qui le savoir passait par l’oralité.

Si les informations sur les ressources échangées ou la chasse chez les Autochtones sont somme toute assez classiques, les détails plus culturels associés à leur conception des animaux chassés, du ciel et des étoiles dévoilent une vision plus rarement évoquée dans l’historiographie. Ils apportent en outre une touche anthropologique très pertinente. Dans cette optique, nous apprenons entre autres que le statut du castor a changé en raison des contacts avec les Européens, puisqu’en échange de cet animal, il était désormais possible d’obtenir des objets comme des chaudrons, des haches et des couteaux.

Au-delà de ce territoire habité et exploité, nous découvrons aussi le quotidien des populations et nous sommes invité·es à mieux comprendre les Iroquoiens du Saint-Laurent, que Jacques Cartier a rencontrés dès son arrivée au Canada.

Disparitions et épidémies

Les derniers chapitres délaissent l’exploration ethnohistorique; ils sont plutôt axés sur une question qui reste sans réponse directe et évidente: pourquoi les communautés de la Laurentie iroquoienne ont-elles disparu avant la fin du XVIe siècle? C’est ici que les recherches pluridisciplinaires de Viau offrent les éclairages les plus intéressants. Outre l’hypothèse la plus souvent avancée pour expliquer ces disparitions, à savoir que les populations en sont venues à s’affronter dans le cadre de grands conflits, l’auteur insiste sur l’enjeu des maladies contagieuses. En effet, selon les recherches présentées clairement dans cet essai, les années 1535-1545 semblent avoir constitué un moment charnière au cours duquel les infections apportées par les Européens ont commencé à faire de très nombreuses victimes au sein des communautés autochtones, qui ne disposaient pas des connaissances médicales ni des moyens nécessaires pour contrôler ou endiguer les épidémies. Ces dernières auraient été graves au point d’affaiblir rapidement la démographie des communautés de la vallée du Saint-Laurent, et plus particulièrement celle du secteur d’Hochelaga.

Si les premiers chapitres dressent un portrait plus traditionnel de la vie des communautés iroquoiennes, les informations colligées et analysées dans la dernière partie placent cet essai dans ce qu’on pourrait qualifier de nouvelle version de l’histoire autochtone nord-américaine. L’ouvrage ne manquera pas d’être lu et commenté par les historien·nes au cours des prochaines années!

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Article au format PDF
Roland Viau
Montréal, Boréal
2021, 376 p., 32.95 $