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L’écriture comme main tendue

Prélude du dossier « Écrire queer » par Nicholas Giguère et Kevin Lambert.

Prélude

Prélude du dossier « Écrire queer » par Nicholas Giguère et Kevin Lambert.

queer: du latin torqueo, «tordre»; de l’allemand quer, «transversal»; de l’anglais athwart, «en travers».

 

queer: c’est tordre les étiquettes réductrices, les normes figées; traverser les identités; se situer en travers de la norme; toujours être en porte-à-faux (pour le meilleur et pour le pire); être de côté, de biais.

 

queer: une parole oblique/critique.

 

queer: déstabiliser la notion d’identité, la détruire même; revendiquer la post-identité, la non-identité.

 

queer: refus farouche des topoï, des lieux communs, de l’essentialisme.

 

queer: abolir la sacro-sainte logique binaire qui structure encore la société; en finir avec les dyades étouffantes et leurs hiérarchies mortifères.

 

queer: mouvance, fluidité, multiplicité, distorsion.

 

queer: considérer les multiples formes d’oppression; garder sa souffrance en mémoire, mais aussi celle des autres; désirer connaître les désastres du colonialisme, les douleurs du racisme, les manières complexes dont ces stratégies d’exclusion s’entretiennent et (se) nourrissent des discriminations liées au genre et à la sexualité; lutter ensemble.

 

queer: écritures dissidentes pour «resémiotiser» le réel; pour proposer un contre-discours ancré dans un standpoint s’opposant farouchement à la pensée straight et cisnormative.

 

queer: corps indociles, insoumis.

 

queer: remettre en question les représentations traditionnelles de la sexualité, de nos sexualités, qui ont pendant trop longtemps été chosifiées par des auteur·rices et des institutions posant un regard objectivant et condescendant sur nos corps, nos désirs et nos vies.

 

queer: la fin des métarécits sclérosants; leur délitement, leur fractionnement en de multiples microrécits déjouant les scripts, les stéréotypes, et mettant en scène une multitude de possibilités relationnelles.

 

queer: œuvre de déconstruction nécessaire.

 

queer: puissance d’agir; empowerment.

 

queer: écritures plurielles véhiculant des discours et des images renouvelés sur les sexualités auxquels d’autres peuvent s’identifier; l’écriture comme main tendue, comme manifestation de la solidarité.

 

queer: écritures hétérogènes; formes hybrides; mélange des discours, des tons, des registres; intertextualité massive (collage/pillage); en un mot: impureté, porosité, vases communicants.

 

queer: résister au présentisme, à l’oubli, aux ruptures de transmission qui touchent les textes queer du passé, sans pour autant ériger ce passé en musée, en monument.

 

queer: hors des grands récits, un rapport intime à la mémoire; hors des grandes fractures, une possible collaboration entre les générations; hors des effets de mode, des manies temporaires et du conservatisme étouffant, un rapport décomplexé et joyeux à des voix qui nous précèdent.

 

queer: une infinité de définitions (qui seront toujours lacunaires, fragmentaires), d’écritures, de styles, de tons et de formes.

 

queer: arriver enfin à soi, infiniment.

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