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Le monde du livre passé à la moulinette

Le monde du livre passé à la moulinette

Le bédéiste britannique à l’humour grinçant Tom Gauld frappe à nouveau avec ce recueil de ses strips publiés dans The Guardian. Un hommage savoureux aux artisans du livre.

Bande dessinée

Le bédéiste britannique à l’humour grinçant Tom Gauld frappe à nouveau avec ce recueil de ses strips publiés dans The Guardian. Un hommage savoureux aux artisans du livre.

À la fois dessinateur et auteur à temps plein, Tom Gauld est connu pour ses petites cases qui, depuis 2002, donnent chaque semaine un peu de légèreté aux articles d’actualité que l’on peut lire dans The Guardian. Il a trié pour nous sa production des deux dernières années pour ne garder que le meilleur. Bibliothécaires, auteur·rices et éditeur·rices, tout le monde en prend pour son grade.

La revanche des bibliothécaires, le cinquième album de Gauld, traduit par Éric Fontaine et publié aux éditions Alto, ravira ses admirateur·rices de longue date. Après la découverte de Vous êtes tous jaloux de mon jetpack (2014), ou encore du pétillant En cuisine avec Kafka (2017), ouvrages parus à la même enseigne, ce recueil porte son attention sur le milieu du livre, et plus particulièrement sur nos ami·es bibliothécaires, acteur·rices essentiel·les à la grande diffusion des savoirs, et malheureusement trop souvent délaissé·es.

Une intelligence absurde

Si vous aimez les chats, les grands classiques de la littérature, les petits jeux, et que le monde scientifique ne vous laisse pas indifférent·es, alors cette bande dessinée est pour vous!

Gauld nous propose une exploration sémantique et thématique qui fait appel à notre imaginaire collectif. Il n’est pas nécessaire d’être un·e littéraire pour comprendre les blagues les plus subtiles du recueil, telles que «La potion ordinaire de Georges Bouillon», de Roald Dahl, «Les faibles espérances», de Charles Dickens, ou «Gatsby le nul», de F. Scott Fitzgerald. Le bédéiste souhaite rendre son humour accessible à tous·tes, mais en gardant une finesse d’esprit et une poésie qui lui sont propres. Il nous divertit avec ses mots-cachés, ses labyrinthes et ses coloriages à numéros; vous pouvez même fabriquer un «dé à critiquer»!

L’actualité n’est jamais loin: ce livre n’a pas échappé au climat pandémique qui a été le nôtre ces deux dernières années. Cependant, on ne peut définir le travail de Gauld comme politique; sa portée relève plus de la philosophie légère du créateur en mal de vivre, qui se moque des périodes de confinement, soi-disant propices à l’écriture d’un ouvrage.

Le processus de création

Le dessin de Gauld ne se regarde pas; il se lit, aussi simple soit-il. La poésie qui se dégage d’une case prend tout son sens dans l’exercice d’une lecture combinatoire. Le sous-texte est majeur: parfois, l’illustration en dit plus que le texte, et vice versa. La subtilité des bonshommes et bonnes femmes allumettes atténue un ton légèrement snob et produit un effet comique.

Influencé par le travail d’Edward Gorey, le bédéiste aime les traits fins et hachurés, sans fioritures. Cette économie de moyens est au service du livre. En tant que créateur, Gauld n’a pas peur d’écorcher ses collègues qui souffrent du syndrome de la page blanche, ou défaillent lorsque vient le temps de jeter des idées géniales à la poubelle. En tournant en dérision ces combats perdus d’avance, il explore les conflits intérieurs entre l’artiste et son objet, et déconstruit les schémas narratifs en deux, trois coups de crayon.

Où ranger ce livre?

L’espace que les ouvrages occupent dans nos maisons n’est pas anodin, et il ne faut pas dénigrer ceux qu’on empile dans la salle de bain! La revanche des bibliothécaires y a assurément sa place, car même si l’on s’extasie facilement devant l’œuvre de Gauld, une certaine redondance se dégage de ses gags. On apprécie encore plus leur lecture par petits bouts. Si on est un peu déprimé·e, on plonge dans quelques pages, et tout va mieux! Si vous êtes vous-même un·e travailleur·se du monde du livre, alors vos problèmes professionnels, tournés en dérision à la sauce Gauld, vous sembleront bien futiles.

Vous pouvez aussi laisser traîner négligemment cette bande dessinée sur une table à café: vos invité·es seront intrigué·es par sa couverture rigide, son format à l’italienne, et bénéficieront d’une forte dose de bonne humeur. Cette rencontre avec l’univers de Tom Gauld leur donnera envie de revenir vous rendre visite!

Un livre à mettre entre toutes les mains.

Auteur·e·s
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Article au format PDF
Tom Gauld
Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Éric Fontaine
Québec, Alto
2022, 180 p., 26.95 $