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Femmes et pouvoir politique

Femmes et pouvoir politique

Pauline Marois a brisé le mythique plafond de verre pour les femmes en devenant, en 2012, première ministre du Québec. Cet accès au pouvoir, ponctué de défis et de difficultés, fait de la biographie d’Élyse-Andrée Héroux un ouvrage très attendu.

Essai

Pauline Marois a brisé le mythique plafond de verre pour les femmes en devenant, en 2012, première ministre du Québec. Cet accès au pouvoir, ponctué de défis et de difficultés, fait de la biographie d’Élyse-Andrée Héroux un ouvrage très attendu.

En politique, les femmes qui ont occupé divers ministères et su rester dans les hautes sphères du pouvoir ne sont pas nombreuses. À cet égard, le cas de Pauline Marois relève de l’exception, elle qui a été au service de la société québécoise pendant près de quarante ans. Il était donc temps de revenir sur cette longue carrière peu banale.

Alors qu’on s’attendait à un récit autobiographique, c’est plutôt un ouvrage écrit par Élyse-Andrée Héroux, avec la collaboration de Laurent Émond, que nous offre Québec Amérique. Rédigé dans un style très personnel, Pauline Marois. Au-delà du pouvoir, qui se lit comme un roman, recueille les confidences de Marois. Le résultat est intéressant, puisque la narration au «je» nous donne véritablement l’impression que la «dame de béton» est derrière l’écriture du bouquin, mais au gré des pages, nous percevons un manque de chaleur humaine qui se dégage généralement d’une biographie. Il n’en demeure pas moins que cet essai, agrémenté de nombreuses anecdotes et réflexions, dresse un très bon portrait de la vie et de la carrière de la politicienne.

De la vie à la campagne aux réalités sociales du Québec

Tandis que nombre de critiques du livre risquent d’insister, avec raison d’ailleurs, sur le référendum de 1995, examinons brièvement la trajectoire de Pauline Marois qui, quoique présentée succinctement, explique bien la personnalité de la future femme d’État. Le récit de l’enfance est dès le départ orienté vers le climat sociopolitique des années 1950, évoquant Maurice Duplessis et l’asservissement des Canadiens français, ce qui est étonnamment cliché. Les auteur·rices ont essayé d’inscrire la jeunesse de Pauline Marois dans un contexte historique plus large; toutefois, il et elle se sont montré·es incapables de tricoter une histoire personnelle avec les mailles sociales et économiques du Québec d’alors.

Les origines fort modestes de Pauline Marois et sa prise de conscience des classes sociales, lorsqu’elle est admise au Collège Jésus-Marie de Sillery, sont cependant très bien décrites: «Pour la première fois de ma vie, même si je ne connaissais pas les mots pour le dire, j’étais confrontée à l’existence des classes sociales. […] J’avais été parachutée dans une microsociété où évoluait Marie Lesage, fille du premier ministre Jean Lesage […].» C’est grâce à son dévouement, à son éducation et à son engagement dans son milieu de vie que se forge l’intérêt de la jeune femme pour la politique comme moyen d’aider les autres.

Au service du Québec

Au-delà du pouvoir nous permet de comprendre les multiples défis qu’a dû surmonter celle qui a été tour à tour politicienne, épouse et mère. Pauline Marois a eu quatre enfants, dont trois sont nés pendant son premier mandat au tournant des années 1980. La peur d’être mise à l’écart l’a incitée à ne s’accorder qu’un court congé de maternité après chaque accouchement. Il s’agit d’un aspect de sa vie familiale qu’elle évoque avec un certain regret aujourd’hui. Le boys club qu’est la scène politique de l’époque nous amène par ailleurs à réfléchir à la situation actuelle: l’accès aux postes de pouvoir, en politique comme dans d’autres sphères, reste difficile pour les femmes.

Qui dit politique dit inévitablement gestion de crise. À ce propos, Pauline Marois est davantage un livre ouvert et nous dresse un portrait réaliste et sans ambiguïtés des tempêtes qu’elle a traversées au cours de sa carrière. De son évolution de députée à ministre, puis à première ministre, nous avons une vision globale somme toute pertinente, mais les mots choisis par les auteur·rices ont des airs de formules préfabriquées. Le texte aurait gagné en profondeur s’il avait été plus personnel et s’il avait donné à lire des phrases un peu plus directes.

Le moment fort du livre reste le chapitre sur l’élection de Pauline Marois au poste de première ministre du Québec et, surtout, le retour plus intime sur l’attentat du 4 septembre 2012 au Métropolis. L’ex-politicienne, qui a longtemps minimisé l’événement, est beaucoup plus émotive et critique avec le recul. L’analyse est tout en nuances.

Quelques photographies sont présentées à la fin de l’ouvrage. Elles auraient peut-être mieux illustré le récit si elles avaient été insérées au fil des chapitres.

Bien qu’un opus signé de la main même de Pauline Marois eût été un testament plus souhaitable, cette biographie fait (re)connaître le parcours de cette grande dame qui a dédié sa vie au Québec et à son peuple.

Auteur·e·s
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Article au format PDF
Élyse-Andrée Héroux
Montréal, Québec Amérique
2020, 440 p., 29.95 $