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Conter fleurette

Dans romandamour, premier livre d’Amélie Dumoulin destiné à un public adulte, une narratrice éprouvée s’ouvre sur les émois ressentis pour un homme qui n’est pas son amoureux. Bienvenue au royaume de la chick lit!

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Roman

Dans romandamour, premier livre d’Amélie Dumoulin destiné à un public adulte, une narratrice éprouvée s’ouvre sur les émois ressentis pour un homme qui n’est pas son amoureux. Bienvenue au royaume de la chick lit!

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Une trentenaire, surnommée Némo en raison de son goût pour les blagues – ce qui la classe dans la catégorie du poisson-clown –, écrit à Barbara, sa grande amie décédée dans un accident de voiture, et dont elle a adopté les trois enfants, qu’elle élève avec son conjoint. Dans un cahier spécialement dédié à sa confidente, qu’elle auréole d’étoiles de toutes les couleurs, Némo raconte ses aléas quotidiens entre la marmaille, les courses, le boulot, et surtout ses échanges avec Brossard, nom attribué à un collègue qui travaille dans la même entreprise qu’elle, mais dans une autre ville – Brossard, justement. Ainsi, mis à part des courriels échangés, ils ne se sont rencontrés en personne qu’à deux reprises.

Dans un aréna de Verdun où elle accompagne Leyla, l’aînée des enfants, à une partie de hockey, Némo croise Brossard au détour d’un corridor. Un peu soûl, il la drague. Elle le laisse faire, ils s’embrassent. Il lui dit qu’elle est «incroyablement spéciale». Ce bref moment, vécu comme dans une bulle, déclenche chez Némo un brasier qui étendra sa véhémence dans les moindres interstices de sa vie. Le lendemain de cet épisode, la protagoniste, après avoir examiné de long en large les pages du Don Juan sur les réseaux sociaux, lui envoie un texto. Suivra, au fil des jours, une correspondance assidue, truffée de sous-entendus. Fébrile en permanence, Némo consulte son téléphone avec compulsion, espérant y apercevoir un mot de Brossard qui, il n’est plus permis d’en douter, fait désormais battre son cœur.

Un désir entêté Les écrits de Némo sont entrecoupés de collages d’extraits issus de vieux Harlequin que lui a donnés sa grand-mère. Ils mettent en relief le ton de romandamour, qui prend les accents d’une romance moderne. En ce sens, le livre assume pleinement son genre; cependant, son écriture crue et son autodérision mettent à distance toute comparaison avec les romans sentimentaux.

Je ferme les yeux pour avaler ma dernière gorgée de drink – le monde est un big manège tournant – et quand je les ouvre il est là. La Bête. Le Tata. Le gros trou du cul. Il est venu. Je le vois dans un éclair de stroboscope. Fuck! Il est beau. Re-fuck! Tellement beau, si tu savais.

Le texte, ornementé de sacres et de commentaires corrosifs, obéit aux codes d’un certain stand-up comique où les phrases, si elles offrent des réparties avec un indéniable sens du punch, sont généralement creuses et insufflent peu de profondeur au personnage, sinon un flagrant manque de maturité, plutôt typique des tourments adolescents. Irréfutable héritière de Bridget Jones, Némo, en revanche, ne possède ni la faconde bravache de l’héroïne anglaise ni son humour pince-sans-rire.

La raison que la narratrice évoque pour expliquer sa déroute passionnelle, soit le choc causé par la mort de son amie, nous convainc difficilement. Quelques passages tentent d’humaniser la protagoniste, par exemple lorsque des retours en arrière nous entraînent dans la jeunesse des deux amies. L’évocation de ces souvenirs démontre les liens étroits qui les unissaient et l’ampleur de la perte de Barbara pour Némo. Toutefois, ces moments se présentent trop rarement pour exprimer la force d’une amitié et expliquer la confusion émotionnelle de la jeune femme, qui l’amène à attendre inlassablement la plus petite manifestation d’un quasi-inconnu à l’honnêteté douteuse. Car à l’occasion d’une fête de bureau, des informations peu reluisantes concernant le bellâtre parviennent aux oreilles de l’héroïne, provoquant déception, amertume, honte et colère. Ce ne sera toutefois pas suffisant. Peu de temps après, elle reprend le témoin et court en direction de la prochaine désillusion, cédant beaucoup de place à une histoire longue et redondante.

Des éléments manquants

Les nouvelles que Némo donne à son amie à propos des enfants suggèrent un peu plus d’authenticité, mais elle est vite mise de côté par l’empressement de la protagoniste à fuir sa progéniture, elle qui formule mille et une hypothèses sur l’existence d’un Brossard magnifié. La relation avec le conjoint est peu exploitée: cette absence crée un vide. Si la romancière avait donné de l’espace à l’amoureux et étoffé le parcours du couple ainsi que leurs rapports, l’enjeu aurait peut-être été différent.

Le dénouement qui se déploie dans l’exécution d’un plan rocambolesque est à l’image de ce qui le précède, c’est-à-dire dénué de sincérité et de vraisemblance. Tout est bouclé en quelques pages: tandis que tant d’autres sont apparues trop longues dans le corps du roman, ici, elles s’enfilent rapidement et gâchent la fin.

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Amélie Dumoulin
Montréal, Québec Amérique
2023, 168 p., 22.95 $