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Une femme dans le soleil

Une femme dans le soleil
Propos recueillis par Annabelle Moreau
Questionnaire LQ
Propos recueillis par Annabelle Moreau

Une femme dans le soleil

Tu préfères lire de la poésie, du théâtre, des romans, pourquoi?

Le roman est encore la forme dans laquelle je m’immerge le plus naturellement, et qui provoque chez moi les bouleversements les plus profonds, les plus durables, malgré un amour très vif pour la lecture de pièces de théâtre, de poésie et d’essais. Mais je ne peux rien y faire, l’intériorité coureuse de fond du personnage de roman correspond à ma vitesse de croisière existentielle.

Des auteurs et autrices dont tu ne pourrais te passer?

Marguerite Duras, Emily Dickinson, Laurie Colwin, Virginia Woolf, Charlotte Brontë, Anne Brontë, Emily Brontë, Lucy Maud Montgomery, Carol Shields, Rachel Cusk, Lauren Groff, Zadie Smith, Ingmar Bergman.

Le livre (ou les livres) qui fait (font) partie intégrante de l’écrivaine que tu es devenue?

La poésie de Paul Éluard, particulièrement le recueil Le temps déborde; les textes de chansons et les poèmes de Leonard Cohen; La memoria, de Louise Dupré; L’œil le plus bleu, de Toni Morrison; les nouvelles de Lorrie Moore, particulièrement celles du recueil Self-Help; le roman L’invitation à la vie conjugale, de l’anglaise Angela Huth; A Room of One’s Own aussi, naturellement.

Si tu n’écrivais pas, tu…

C’est devenu une sorte de cliché à mon sujet, mais j’ai beau me creuser la tête, je ne vois pas ce qui me rendrait plus heureuse que d’être pâtissière.

Ton personnage fictif préféré?

Jane Eyre.

Ton pire et ton meilleur souvenir d’écriture?

Ai-je un pire souvenir d’écriture? Certaines journées sont affreuses, d’autres sont plutôt bonnes, la plupart sont médiocres. J’ai regretté le temps perdu à travailler sur des projets qui m’ont volé mon temps et ma vitalité, mais je ne les nommerai certainement pas! Mon meilleur souvenir demeure encore la facilité avec laquelle toutes les scènes de Bienveillance se sont mises à émerger au bout de mes doigts après des mois de paralysie totale.

Est-ce que tu lis les critiques de tes livres? Pourquoi?

Je les lis, mais pas nécessairement pour les bonnes raisons. Je veux y trouver la preuve de mon insignifiance, le verdict sans appel de ma médiocrité, une confirmation que j’ai raison, depuis toutes ces années, de me juger auss/i sévèrement. Et aussi,
bien sûr, je le fais parce que je cherche les compliments.

Quels auteurs ou autrices de théâtre t’ont le plus inspirée dans ta propre écriture?

La pièce Look Back in Anger de John Osborne; 24 poses, de Serge Boucher; Trick or Treat, de Jean Marc Dalpé; l’écriture de Dennis Kelly, dont j’ai traduit cinq pièces; le travail formel et la radicalité d’Alain Platel, Olivier Choinière et Sarah Kane. Je réalise avec un certain effroi à quel point mes influences théâtrales sont majoritairement masculines. En revanche, les voix qui occupent aujourd’hui la scène et qui me stimulent le plus sont le plus souvent féminines: Alexia Bürger, Rébecca Déraspe [qui ont contribué à ce numéro, ndlr], Marjolaine Beauchamp, Catherine Vidal, Catherine Léger, entre autres.

Aimerais-tu écrire pour le cinéma un jour? Y a-t-il des fims qui t’ont marquée plus que d’autres?

J’ai tenté l’expérience sur un projet qui n’a finalement pas vu le jour. Je le referai peut-être dans les prochaines années, mais je suis méfiante. Je commence à accepter qu’on ne possède peut-être pas tous les langages, et que ce n’est pas grave. Le cinéma me passionne et me nourrit depuis longtemps, et il recèle pour moi une part de mystère formidable. L’écrivaine que je suis a été marquée autant par Stand by Me, Dead Poets Society, When Harry met Sally, Paris, Texas, Scènes de la vie conjugale ou 8 1/2 que par la littérature que j’aime le plus.

Quels sont les expos, pièces, films que tu as récemment aimés?

Quand j’ai visité le nouveau Whitney Museum à New York il y a quelques années, je suis restée longuement devant une toile d’Edward Hopper, A Woman in the Sun. On y voit Josephine Hopper de profil, nue, debout près d’une fenêtre. Elle tient une cigarette qui n’a pas été allumée, et le soleil l’inonde de lumière. La chambre est dépouillée, il y a une paire de chaussures abandonnée, un lit défait, des rideaux. Et elle qui regarde en avant. Au moment où il l’a peinte ainsi, sa femme avait soixante-dix-huit ans. Pourtant celle qu’on voit devant nous semble vive et forte comme si elle en avait trente, comme si le peintre l’avait peinte non pas telle qu’elle était aux yeux du monde, mais comme il la voyait, lui. Cette vision amoureuse, secrète et rebelle du temps qui passe m’a beaucoup remuée. Je retourne la voir chaque fois que je suis à New York. ♦

Delporte

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