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Temps et débordements

Temps et débordements
Thématique·s
Poésie
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Hector RuizPhotographe: Alain Lefort

 

Dans le
rude, le trahi.
Le cassé.
L’homme parle.

René Lapierre


 

Ta voix ma rage tout l’or de ma langue.

C’est petit un t-shirt
des bas propres aussi
dans un hôtel de casino
les yeux douche ouverte
j’ai rangé le passeport
payé la chambre
en chemin vers la gare
trois clémentines
quelques débris
et toi qui es là.

Le rond-point ouvre mon corps.
Les mains du jardinier glissent sur le volant de son camion.
J’aimerais dormir au pied d’un arbre.
Cette nuit, en boucle, mon sommeil, par les rues, au rythme
des voitures, s’en allait. Ma tête revenait, aussitôt, elle
repartait, direction seuil et épuisement.

Il a dit
devant le miroir
tu peux pleurer.

Aujourd’hui, l’orage menace. J’ai un billet de train dans une
main et, dans l’autre, un stylo. En langue étrangère, je suis
correspondance manquée.

Quand ça casse
il écoute la fraîcheur
des criques, il n’est pas le seul
n’est-ce pas?

Je reconnais sa voix, ne fais aucun effort pour l’entendre.

Remis sur pied
il va sur la place publique
au café où personne
ne peut le nier.

Les cloches de la cathédrale m’ont réveillé à six, puis à sept
heures. La cathédrale n’a pas été bombardée pendant la
Deuxième Guerre mondiale. Il y a un arbre à l’entrée de l’école
primaire, il n’a pas brûlé non plus.

Vélos aux gares
montagnes et tunnels
villages nos maisons défilent
ce que nous avons toujours désiré
perdu.

Une pierre manque au clocher de la cathédrale, quand un
pigeon s’envole,
un autre prend place, quand un monument s’effondre, qui
prend place?

Il a fait son jogging sur les rives du Danube
il n’aura jamais le courage d’écrire fleuve
il a remarqué la force du courant
au moment de prendre son pouls.

La clarté lèche mon corps sur l’herbe. Je vois rivière, je vois
vert, noir, bleu,
les formations inespérées dans l’indifférence de l’été.

Il n’est pas mon père.
Un suffit.

Je croyais ne pas entendre mon père quand il me demandait
de rentrer à minuit parce que les têtes noires travaillent plus
tôt. Je croyais que la vengeance ne m’avait pas atteint.

Le train glisse
d’une voie à l’autre
vent de lune
je sommeille en lui
entre doutes et excitations
nous rentrons à Berlin.

Il est venu me chercher
au pied d’un mur
où il ne m’avait pas abandonné.

Près des arbustes, en embuscade, les nuages noirs suffisent
pour que la magie opère: retenir l’orage, nous n’aurons pas
les mêmes jouissances.

La nuit, en gare, si personne ne descend, si personne ne
monte, les portes restent closes. Une odeur flotte dans le
wagon, le train déroule un champ et la musique des bouteilles
déplace le nom des villages sur les cartes.

À vif, bien dressé, tu longes les murs pas toujours visibles de
notre division. Tu ne disposes d’aucune carte d’identité et le
territoire que nous avons parcouru, tu le ravales en silence.

Je suis l’aveugle à la fenêtre du player’s lounge.
Les joueurs pensent que je suis leur porte-bonheur, qu’ils
m’accompagnent. Que ferais-je sans eux? me demandent-ils
souvent. Mais ils n’entendent pas ma réponse.
J’écouterais les canaris.

Corbeaux et échafauds érigés dans le dos, nous sommes
désarrois indomptables. ♦

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