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Sous le signe de Chronos

Torontois de naissance, Jean-Louis Trudel contribue depuis plus de vingt ans au rayonnement de l’imaginaire québécois. Traducteur, critique, il est aussi l’auteur d’une œuvre fictionnelle conséquente qui regroupe vingt-huit livres et une centaine de nouvelles.

Thématique·s
Littérature de genre

Torontois de naissance, Jean-Louis Trudel contribue depuis plus de vingt ans au rayonnement de l’imaginaire québécois. Traducteur, critique, il est aussi l’auteur d’une œuvre fictionnelle conséquente qui regroupe vingt-huit livres et une centaine de nouvelles.

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D’entrée de jeu, Jean-Louis Trudel précise l’orientation de son Petit guide de la science-fiction au Québec, il fait office de défricheur:

Aucune étude d’ensemble ne s’est encore penchée sur la place de la science-fiction dans la culture québécoise alors qu’elle alimente ses visions de l’avenir, révèle ses projets de société et témoigne de ses arrimages à la modernité.

L’écrivain et chercheur s’applique à brosser un portrait de la science-fiction québécoise, tant du côté des romans que des nouvelles, parues en périodiques, en collectifs ou en recueils. Trudel n’évacue pas les septième et neuvième arts, soucieux d’offrir un ouvrage qui se veut le plus exhaustif possible, dans une langue accessible.

Abolir les limites

Bien qu’il soit pertinent de détailler l’historique du genre, la place accordée aux écrits d’avant la Seconde Guerre mondiale semble très imposante (plus du tiers du livre). Avant d’aborder les années 1970 et leur effervescence, Trudel s’attarde dans trois des sept chapitres sur les œuvres publiées avant 1930.

Il inclut plusieurs auteurs français prisés de l’époque, notamment Jules Vernes, que sembler affectionner l’essayiste. Trudel collige et critique méthodiquement l’ensemble des parutions influentes d’avant 1945. Ces dernières attestent souvent d’un questionnement récurrent de la science-fiction québécoise en émergence: «Qu’est-ce que le Québec ferait s’il disposait de moyens presque illimités?»

Le fervent d’anticipation rétro y trouvera maintes pistes de lecture (personnellement, il me tarde de plonger dans L’impératrice de l’Ungava, d’Alexandre Huot, qui décrit Orsauvage, empire des Innus et Inuits, financé par l’exploration aurifère!). Nombre d’œuvres fondatrices sont mâtinées de politique, puisque «les débuts de la science-fiction au Québec se confondent avec les prémices d’une vie littéraire canadienne-française».

Éclatement du silence

La science-fiction québécoise «connaît son heure de gloire durant une période qui coïncide en grande partie avec la carrière d’[Élisabeth] Vonarburg», et débute à l’époque de la naissance de la revue Requiem (1974, renommé Solaris en 1979 pour échapper à une inévitable messe des morts?), du premier congrès Boréal (1979 aussi) et de la parution du Silence de la cité (1981) de Vonarburg. À partir de ce jalon, qui correspond au cinquième chapitre, le rythme s’accélère, et les œuvres présentées sont davantage survolées. Dommage collatéral prévisible: des absents sont à signaler, telle Francine Pelletier et sa trilogie Le sable et l’acier. Autre invisible de cette chronologie: l’éditeur Six Brumes, qui célèbre cette année son seizième anniversaire, soit seulement cinq ans de moins qu’Alire, principale maison d’édition spécialisée en littérature de genre au Québec. Par contre, les récits de Michèle Laframboise, ontarienne depuis quinze ans, sont commentés, alors que Trudel avait annoncé dans l’introduction qu’il mettrait de l’avant les auteurs ayant vécu dans la province pendant la majorité de leur période «active». L’écrivaine apparaît aussi dans la brève chronologie des dates importantes de la science-fiction québécoise figurant en annexe, pour avoir remporté en 2001 le prix Cécile-Gagnon.

Quoique la minutie de l’auteur soit perceptible, certaines infor-mations paraissent de surcroît quelque peu datées, comme si le travail de recherche remontait parfois à quelques années — et non à 2016-2017 (le cas échéant, il aurait été bienvenu de le spécifier dans l’avant-propos). L’essayiste mentionne par exemple que la revue Brins d’éternité obtient des subventions d’instances universitaires pour améliorer la qualité de ses numéros, subventions que le périodique ne reçoit plus depuis 2011 et qui ne sont pas à l’origine de son évolution vers la professionnalisation. Enfin, les citations ne sont pas référencées, ce qui contribue à faire du Petit guide de la science-fiction au Québec une publication essentiellement destinée au néophyte curieux plutôt qu’au spécialiste. Les professeurs y trouveront néanmoins des pistes enrichissantes pour enseigner le genre.

Arborescences

Il était cependant plus que temps — la science-fiction étant après tout maîtresse des paradoxes de Chronos — qu’un guide paraisse, signé par un expert du domaine. Avec sa présentation visuelle sobre et claire, il s’agit d’une publication phare pour qui souhaite découvrir les ramifications et l’arborescence du genre en territoire québécois. En attendant un éventuel «Guide du fantastique au Québec au XXe et XXIe siècles», qui appartient — pour l’instant — à la science-fiction...♦

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Article au format PDF
Jean-Louis Trudel
Lévis, Alire
2017, 174 p., 19.95 $