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Planète en feu

Un ouvrage regroupant douze textes inégaux et quelques perles. À lire si vous voulez déprimer pour d’autres raisons que la pandémie.

Collectif

Un ouvrage regroupant douze textes inégaux et quelques perles. À lire si vous voulez déprimer pour d’autres raisons que la pandémie.

Comment vous sentez-vous quand on vous parle de la crise écologique qui sévit sur la Terre au moment où vous lisez ces lignes? Êtes-vous accablé·es, coupables, impuissant·es, ou caressez-vous encore l’espoir que l’humanité saura freiner le déclin de la planète?

Pour le collectif En cas d’incendie, prière de ne pas sauver ce livre, Catherine Voyer-Léger a demandé à douze auteur·rices de s’exprimer sur leur rapport intime à la crise environnementale. Il est intéressant d’apprendre dans la préface que cet ouvrage est le fruit non pas d’un élan passionné, mais d’un mandat confié à la directrice de la publication.

Diversifié, mais inégal

À la lecture du recueil, on découvre que même lorsqu’on ne montre pas l’autre du doigt pour «contourner la critique, la harangue, l’appel au peuple pour nous parler d’eux», comme l’écrit Voyer-Léger dans l’introduction, il est difficile de s’exprimer sur cette crise sans tomber dans le discours moralisateur ou faire appel à notre culpabilité collective. Bien que le sujet soit lourd, certains textes accomplissent l’improbable avec une délicatesse désarmante, alors que d’autres ont la légèreté d’une enclume.

Même s’il est compréhensible et peut-être souhaitable de donner à lire une variété de styles et d’approches dans ce genre d’ouvrage, la qualité très fluctuante des textes rend l’expérience de lecture très inégale. Le spectre est vraiment très large, oscillant entre les essais abordant la thématique de manière détournée aux récits très personnels (parfois un peu trop) qui ne suscitent pas l’intérêt. Dans la préface, Voyer-Léger nous présente les contributions rassemblées sous la couverture du petit livre rouge sans toutefois nous parler des auteur·rices et des raisons qui ont motivé leur choix. Dommage qu’elle n’ait pas mis en lumière cette cohorte quelque peu éclatée, où se côtoient des écrivain·es chevronné·es et moins connu·es. Il aurait été bien d’en savoir davantage sur elles et sur eux, ne serait-ce que pour fournir un contexte aux lecteur·rices. Au minimum, de courtes biographies auraient été vivement appréciées.

Découvertes et déceptions

La poète Ouanessa Younsi ouvre le bal avec un texte beau sans pour autant être révolutionnaire. Il est suivi de ce qui s’est avéré pour moi une petite découverte: l’artiste Le R Premier, un rappeur et slameur de l’Ontario francophone apparemment bien établi, et dont je n’avais encore jamais entendu parler. À défaut de bien connaître l’actualité dans les milieux du hip-hop et du slam, j’ai été à la fois troublée et charmée par son récit d’enfants qui détruisent pour recycler.

J’ai beaucoup aimé les contributions plus narratives qui m’emmenaient rapidement dans le monde de l’auteur·rice. Je pense à «Celle qui reste», le magnifique texte de Sonya Malaborza, connue notamment pour sa récente traduction de l’excellent roman d’Ami McKay, L’accoucheuse de Scots Bay (Prise de parole, 2020). Le court récit délicatement tissé et délicieusement imagé de la protagoniste, épouse d’un botaniste, m’a enchantée par sa simplicité et sa luminosité, qui collent à la thématique écologiste sans exacerber la lourdeur du sujet. Une perle qui fait souhaiter que l’écrivaine n’hésite pas à publier d’autres œuvres de son cru dans le futur. Cette fiction donne envie de découvrir les histoires que la traductrice aurait à raconter.

Sinon, j’ai pris plaisir à suivre la piste du conte malécite de Dave Jenniss. L’homme de théâtre, également scénariste et acteur, a su capter mon intérêt avec son mystérieux récit. Cependant, je me serais passée des intertitres, qui auraient tout simplement pu être remplacés par une rupture plus subtile.

J’ai aussi apprécié le concept de Mishka Lavigne, qui clôt le recueil avec un texte dans lequel elle énumère toutes les choses qu’on cherche à racheter après un sinistre. La dramaturge et traductrice apporte une perspective intéressante sur la surconsommation et les biens qui ne se remplacent pas si facilement.

J’ai moins aimé les essais qui abordent la crise environnementale d’une manière plus directe, bien que le lyrisme rythmé et résigné de Jonathan Roy ainsi que la confession désabusée de Céleste Godin me soient apparus porteurs.

Enfin, j’ai carrément décroché quand j’ai senti que les auteur·rices manquaient à leur promesse initiale en laissant transparaître des couleurs moralisatrices ou militantes. Peut-être parce que j’ai eu mon quota de lourdeur pour la décennie, mais au bout du compte, j’ai fini par trouver la lecture trop déprimante et j’ai lu la deuxième moitié du collectif avec beaucoup moins d’intérêt que pour la première.

Somme toute, En cas d’incendie, prière de ne pas sauver ce livre comprend quelques essais qui éveillent, tandis que d’autres assomment.

Auteur·e·s
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Auteur
Article au format PDF
Catherine Voyer-Léger
Sudbury, Prise de parole
2021, 98 p., 12.00 $