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On est quelqu'un d'innommable

On est quelqu'un d'innommable
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Poésie
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DesgentPhotographie : Alain Lefort
 

 

 

La vérité approximative n’est pas écrite
elle est nue quelque part qui n’existe pas
c’est le possible et l’impossible
le paraître l’apparaître le disparaître
C’est l’affaire difficile de chaque existence.

L’invisible de chacun délire parle mal parle sanglots parle cris il arrache
les têtes les troncs les mains les bras pauvres de nous Un corps
tout corps bêlant hurlant obéit à son devoir de blessés de blessures
Ça tempête toujours L’invisible pense penser pur.

 

J’abandonnerai l’animal humain à sa petite misère de chien Tu fais pipi
de peur au coin des rues Je t’essuie avec ma langue ou avec mes
quelques doigts.

 

Je suis les laissés là laissés au ciel ou aux pieds des côtes de sable
ou tout en haut du mont des crânes Les croix sont prêtes On attend
le spectacle Tu vas en hésitant aux sacrifiés avec leurs cartons leurs
boîtes humides de pauvreté des peaux de rien tendues fort pendues
dehors à sécher aux abandons secs je me penche sur les troués par
terre C’est fréquent partout ceux qui se taisent saignent et coulent
vinaigre.

 

Je ne rêve à rien j’ignore quoi détester je ne connais pas qui mourir
c’est noir simplement pure brillance.

 

Je traverserais un paysage, embûches ici embûches là se déplaçant
hors champ la lune la musique des arbres les tempêtes affolantes les
marées les vents sans raison renaissent chaque nuit de mes cendres.

 

Tu discuterais avec mes prières obscures mes secrets mes esprits ceux
celles de mes moments d’épouvante Je chercherais les proies mes
garçons fiévreux mes filles blêmes les sublimes du bas-ventre cicatrisé
Elles ils moi serions encore les vociférations du vide les grognements
d’ursidés sans petits fruits sucrés de juillet et d’août Les fillettes ivres
au bord des marais tombant en automne dans leur soudaine disparition
et les garçons désastreux pour et pour et pour les cadeaux violents
entre les cuisses C’est l’amour les ongles c’est l’amour quêté.

 

L’enfant dans notre tête crue témoin du monde déparlé est de glace au
moment de la mort la tienne la mienne encore illisible. ♦

 


Jean-Marc Desgent est né à Montréal. Il a reçu de nombreux prix littéraires parmi les plus importants. Son dernier recueil, Misère et dialogue des bêtes, est paru en février 2019 à Poètes de brousse.

Alain Lefort est photographe et portraitiste. Il collabore régulièrement à LQ. [alainlefort.com]

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