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Comme un sitcom

Sympathique mais superficielle chronique du retour à la vie d’une divorcée attachante.

Roman

Sympathique mais superficielle chronique du retour à la vie d’une divorcée attachante.

Marie-Renée Lavoie a connu une entrée sans fautes dans l’univers littéraire avec un premier roman remarqué tant par les lecteurs que la critique. La petite et le vieux (XYZ, 2010) — «ravissante chronique d’une enfance préservée malgré les petits et grands affronts que lui assène la vie, à l’époque des Nordiques et de Canal Famille», écrivais-je lors de sa parution dans les pages de cette revue — a été finaliste au Prix des cinq continents de la francophonie et au Prix littéraire France-Québec en plus de remporter le «Combat des livres» de Radio-Canada en 2012.

Quelques romans plus tard, l’autrice nous fait découvrir Diane dans Autopsie d’une femme plate (XYZ, 2017), alors que Jacques, son mari et complice des vingt-cinq dernières années, père de leurs trois enfants, la quitte pour une femme plus jeune. On retrouve la même narratrice dans Diane demande un recomptage, tandis qu’elle se relève finalement de ce choc à quarante-neuf ans, presque cinquante: elle postule pour un emploi au service de garde de l’école près de chez elle, envisage d’avoir une date, continue de cultiver son amitié avec Claudine, avec qui elle aime boire et manger du cassoulet dans un restaurant de leur quartier (on devine encore le Limoilou qui servait habilement de décor à La petite et le vieux).

Sourires et anecdotes

Le roman se déploie principalement en une suite d’anecdotes et de dialogues, ponctués des réflexions de la narratrice: «Les grandes joies agissent sur l’humeur comme un chandail rouge neuf dans une brassée de blanc: elles colorent tout en rose»; «Les médecins ont dit que c’était une "belle fracture". L’esthétique impose ses lois jusqu’à l’intérieur du corps.»

Les personnages sont attachants, comme dans La petite et le vieux, mais ils n’ont pas les nuances qui rendaient cette première œuvre si sensible. Parfois, on a l’impression de lire un bon scénario de série télé plutôt qu’un roman, tant les dialogues sont présents. La psychologie des personnages se révèle surtout dans une succession d’interactions mi-comiques, mi-réalistes. Et si les clichés peuvent parfois être efficaces ou attendrissants, ils ne laissent pas souvent une impression pérenne.

Marie-Renée Lavoie a le sens de la formule et du titre, mais ce talent ne sert pas l’émotion ni la recherche d’une certaine vérité. Ainsi, le roman évoque une multitude de thèmes intéressants — la sexualité à cinquante ans, les inquiétudes des parents qui persistent une fois les enfants adultes, le système des écoles primaires publiques et ses défis —, mais révèle surtout des évidences: le manque de personnel cause de véritables casse-têtes dans les écoles; les plaisirs charnels ne perdent rien de leur attrait lorsqu’on est quinquagénaire; les enfants devenus adultes sont encore de grandes sources de joie; les méchants maris quittant leur femme pour de plus jeunes conquêtes, une fois installés dans leur nouvelle vie insipide, ont des remords.

Ce qui est sans doute le plus réussi dans Diane demande un recomptage, c’est la relation entre la mère et ses enfants. Une mère qui continue de réfléchir aux choix qu’elle a faits par le passé, qui cherche encore la meilleure manière de jouer son rôle:

Dans leurs mots brodés de tendresse, je reprenais la place de la mère que j’avais été, tour à tour épuisée, patiente, exaspérée, inquiète, émerveillée. L’effet accordéon de la démultiplication des émotions qui rejaillissaient m’a presque privée de souffle, comme chaque fois que je suffoque d’amour pour eux. Ce vertige me rend terriblement vivante.

Durant les quelques jours que j’ai consacrés aux presque trois cents pages de ce roman, je suis aussi tombée sur le sensible balado Everything is fine, dans lequel les deux animatrices — Tally Abecassis, la mi-quarantaine, et Kim France, la fin cinquantaine — abordent, avec moult nuances, les réalités des femmes de plus de quarante ans, exposant aussi, tout en sensibilité, l’étendue des thèmes, joies et angoisses de ce temps de la vie et leurs déclinaisons. Et si, comme lecteurs, on vit parfois des moments de grâce lorsque des œuvres distinctes se parlent par un concours de circonstances, la parole pleine de demi-teintes de Tally et de Kim a parfois fait de l’ombre à la voix attachante, mais peut-être trop guillerette, de Diane.

 

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Marie-Renée Lavoie
Montréal, XYZ
2020, 280 p., 24.95 $