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J’ai rencontré David Bélanger pendant la pandémie. Nous étions tous deux invités à lire Morel et à venir en discuter au micro de Marie-Louise Arsenault. Confinement oblige, ça s’est fait par téléphone. Mais je me souviens très bien de ce que j’ai éprouvé quand j’ai entendu cette voix, de l’enthousiasme qu’elle partageait avec moi pour le premier roman de Maxime Raymond Bock, et pour ses livres en général: un jour, il faudrait travailler ensemble. Partir de cet enthousiasme, communiqué en ondes le temps d’une chronique à deux voix, pour en faire émerger une suite. L’idée de ce dossier en codirection avec David m’est vite apparue, jusqu’à se saisir de moi et ne plus me lâcher.

Je crois que je sentais déjà confusément ce que je sais aujourd’hui: ces deux hommes se ressemblent. Et dans cette ressemblance, il y a quelque chose que j’admire grandement en tant que lectrice, intellectuelle et autrice.

Tous deux écrivains (David est professeur, chercheur et spécialiste de notre littérature, mais on lui doit aussi Métastases et En savoir trop, roman et recueil de nouvelles parus en 2014 et 2019 à L’instant même), tous deux d’une infinie humilité, mais tous deux dans ce désir dont je parlais dans l’éditorial de ce numéro: non pas de briller ou d’être portés aux nues, non pas d’être adulés ou même admirés, mais bien davantage, il me semble, de nous proposer une manière de nommer notre monde, notre (nos) histoire(s), notre littérature.

Ce dossier a pris Maxime Raymond Bock par surprise, comme il en témoigne dans son autoportrait (sans doute le plus douloureusement franc qu’il m’ait été donné de lire depuis longtemps). Il ne cherche pas les spotlights, il ne souhaite pas qu’on l’expose, et a très bien compris ce dont je parle également en ouverture de ce numéro: ceux et celles qui ont la lumière l’ont souvent (même si on aime prétendre le contraire) pour des raisons au pire conjoncturelles, au mieux subjectives et assumées comme telles. En effet, ne serait-il pas moins absurde et, comme on dit désormais, moins malaisant, si on assumait simplement que les auteurs et autrices que reconnaissent les médias, les revues, les établissements d’enseignement le sont d’une part parce qu’un système a permis que leur œuvre soit accessible et visible (publiée, mise de l’avant, vendue, critiquée, primée), et ensuite (et c’est là ce qui, pour moi, sauve une partie des choses) parce que des lecteurs et lectrices les ont élues, ces œuvres. Que telle professeure, tel recherchiste, tel journaliste, telle cri- tique, tel chroniqueur, les ont lues et que cela les a fait vibrer. Qu’ils et elles ont eu envie de transmettre cette émotion. De la donner en partage.

C’est ce qui s’est passé pour David Bélanger et moi, ainsi que pour tous ceux et toutes celles que nous avons invité·es à écrire dans ce dossier, et également pour Pierre Seager et Alexandre Vanasse, sur le versant visuel: nous avons lu Maxime Raymond Bock, et avons été interpellé·es par sa voix, par ce que cette voix avait à nous dire à la fois de notre humaine condition, et de notre québécoise condition, grâce à une série d’ouvrages qui forment un tout, quelque chose qui serait, dans un même mouvement, chemin et kaléidoscope.

Il n’est pas simple pour Maxime Raymond Bock, je crois, de se retrouver dans cette position, et la franchise avec laquelle il l’assume m’a aidée à me souvenir de l’essentiel en littérature. Cet essentiel, les auteurs et autrices de ce dossier ont tenté d’en évoquer une facette. Mais plus encore, il est merveilleusement nommé, conté, rendu dans l’entretien qu’ont ensemble David Bélanger et Maxime: le travail sur le texte, l’amour de ce travail, et le désir, avant toute autre chose, de l’offrir en partage. De nous dire: tenez, cet objet, je l’ai fait naître et pousser, avec un amour inquiet pour son infinie délicatesse, avec angoisse, avec application, avec rigueur, avec espoir, comme une petite fleur dans une fissure du trottoir. Si vous voulez, il est pour vous.

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