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Au coeur de notre histoire

Au coeur de notre histoire

Prenez des historiens, des sociologues, des juristes et un conteur. Demandez-leur de vous raconter leur vision d’un événement marquant de l’histoire québécoise. Mélangez le tout et obtenez un ouvrage hétérogène qui fait voyager le lecteur·trice au cœur de l’histoire du Québec.

Essai

Prenez des historiens, des sociologues, des juristes et un conteur. Demandez-leur de vous raconter leur vision d’un événement marquant de l’histoire québécoise. Mélangez le tout et obtenez un ouvrage hétérogène qui fait voyager le lecteur·trice au cœur de l’histoire du Québec.

De la fondation de Québec à la Grande Paix de Montréal, en passant par l’émeute contre la conscription et l’adoption du droit de vote des femmes, Dix journées qui ont fait le Québec présente une grande variété de sujets et de traitements. Pierre Graveline, directeur général de la Fondation Lionel-Groulx, a supervisé la publication du collectif, paru pour la première fois en 2013 à VLB. Il résume en ces termes les choix des thématiques: «C’est l’histoire de femmes et d’hommes courageux qui, depuis la Conquête, n’ont jamais cessé de lutter pour leur langue, leur culture, leur liberté.»

Les regards d’historiens et d’historiennes

Simple et limpide, l’ouvrage organise les événements marquants de l’histoire du Québec selon une perspective chronologique.
La première journée relatée est la fondation de Québec. Conteur hors pair qui a fasciné téléspectateurs et lecteurs par le passé, Jacques Lacoursière signe un chapitre dense sur le contexte de la fondation de la ville par Champlain, sans négliger les autres acteurs impliqués dans cet événement. Pensons ici au chef montagnais Anadabijou, qui favorise, grâce à un pacte d’amitié, l’établissement français en pays montagnais, ou à Pierre Dugua de Mons, fondateur du comptoir de Tadoussac, à qui Henri IV a accordé le monopole de la traite des fourrures en Amérique du Nord.

C’est à Denis Vaugeois qu’a été confié le mandat de remettre le traité de Paris en contexte. Dans sa contribution, il revient sur les enjeux principaux de la guerre de Sept Ans. Pour sa part, Gilles Laporte, qui a fait des Patriotes le cœur de ses travaux, se penche, dans un chapitre au ton un tantinet engagé,csur l’assemblée politique des Six-Comtés. Adoptant une perspective différente, moins émotive peut-être, Éric Bédard analyse les tenants et aboutissants de l’élection de Jean Lesage ainsi que les conséquences de cet événement sur l’histoire du Québec.

Au-delà de ces historiens connus du grand public, l’ouvrage accorde une tribune aux femmes, notamment à l’historienne Béatrice Richard, qui s’intéresse à la grande émeute contre la conscription du 1er avril 1918. Déjà, le titre de son chapitre laisse entrevoir un propos plus analytique, présenté néanmoins dans un style d’écriture qui se lit tel un roman. Difficile de ne pas éprouver un certain ressentiment à la lecture de cette synthèse, qui démontre un cas d’injustice flagrant envers les Québécois. Pour sa part, l’historienne Marie Lavigne plonge dans la longue lutte des femmes pour le droit de vote, obtenu le 18 avril 1940.

Des opinions plus tranchées

Des points de vue plus variés complètent l’ouvrage. Le grand Jean-Claude Germain nous fait littéralement vivre la fondation de Montréal, avec un style très coloré qui ne dédaigne tout de même pas l’analyse. Par exemple, il écrit, à propos de Jeanne Mance: «Le temps d’une génuflexion, d’un Pater et de trois Ave, elle a débusqué un vivier de veuves auxquelles leur état a donné les moyens de leurs bonnes œuvres et de leurs ambitions mystiques.» Il s’agit du texte le plus vivant et par conséquent le plus intéressant pour ceux qui aiment qu’on leur raconte une histoire. Les sociologues Denys Delage et Mathieu Bock-Côté offrent, chacun à leur façon, les études portant le plus à réfléchir. Delage insiste sur la Grande Paix de Montréal, tandis que Bock-Côté, avec son ton plus direct, axe son propos sur le référendum de 1995. Finalement, une constitutionnaliste, Eugénie Brouillet, propose un point de vue rarement lu ou entendu: un regard plus juridique sur l’Acte d’Amérique du Nord britannique.

Le résultat est à l’image de la variété des auteurs et des autrices, c’est-à-dire très éclaté tant dans les styles que dans les approches adoptées. C’est à la fois le point fort et le talon d’Achille de ce livre. En effet, d’un côté, le et la lecteur·trice a l’opportunité de découvrir l’histoire du Québec sous différents angles et points de vue; de l’autre, le manque d’homogénéité nuit à une compréhension globale de l’histoire québécoise. Les contenus, si nous excluons le texte de Jean-Claude Germain, sont destinés à des personnes connaissant un tant soit peu l’histoire du Québec, puisque la majorité des chapitres entrent très rapidement dans le vif du sujet. Ce collectif demeure néanmoins un très bel outil de référence à posséder dans sa bibliothèque.

Auteur·e·s
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Article au format PDF
Pierre Graveline
Montréal, Typo
2020, 416 p., 19.95 $