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Vos libraires d’exception

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Dans le cadre de la parution de notre numéro de mars dont le dossier porte sur le métier de libraire au Québec, nous avons demandé à nos lecteur·ices de nous partager des des témoignages, des anecdotes ou des hommages dédiés à leurs libraires et leurs librairies préférées.


Direction Laurier Est

Avec un but en tête

Errer en Bambi dans

Le mausolée de plusieurs

Un livre à soi

Telle une Virginia Woolf de Louis-Hébert

Parfois sans but

D’autres en mission

Je

Flirte avec le temps dominical

Parcours les recueils imagés

Pense avec bell hooks

Fais glisser mes Oxford sur le plancher sablé

M’étire entre les tables de bois

Prends siège sur le velours du divan qui a vécu lui aussi

Souris aux recommandations 

As-tu de la littérature queer sur les peines d’amour

C’est très beau ça tu vas aimer

Je 

Prends sans dire mot

Crois sur parole

Tends la main pour mon reçu

Je 

Reste encore à lire du

Camille Readman Prud’homme

Tourne dans ma tête les mots les pensées intrusives souvenirs sons goûts nez chaleur

Contemple le plafond 

M’insurge doucement 

Me réjouis à la sélection des œuvres dans lesquelles je me retrouve

Prends volontiers un autocollant de la Palestine

Tourne les pages du bébé de Julie Delporte

M’inscris à la prochaine causerie du jeudi soir vin frais trouble servi

Frémis à l’idée d’y retrouver une connaissance de jadis

Que fais-tu là ?

Non TOI que fais-tu là

Mon temple ma vie soledad

Ce sanctuaire de paix qu’est ma librairie indépendante

Elle appartient à tout le monde

Tu as le droit aussi

Sauf que 

Je 

Suis 

Possessive de mes mots

Grandement sûrement

Tapuscrit vive allure

Gardienne des pages filigranes raconteuses de souvenirs obscurs

Timide collectionneuse

Royaume de recueils épars ici ou à l’université

Fière femme de partage

Tu me le rends à la fin du mois

Ma mémoire infaillible

T’en voudra franchement sèchement sadiquement

Tu ne plies pas les pages

Surtout pas celles type papyrus

Je serai rancunière

Aucune fleur ne saura mettre un baume sur mon amertume

Je suis

Reconnaissante de ce jardin de lumière

Ébahie par ta diversité littéraire culturelle ethnique linguistique raciale de genre

Contente de m’y retrouver enfin

Une parmi les miens

Vestige de mon identité aux mille visages

Tu

Me redonnes vie espoir littéraire vivace et compagnie

Façonnes mes élans créatifs leur portée leur joie infinie

Prédis mes goûts les tendances mon humeur

Lieu de perdition

Me voilà enfin

Retrouvée

Amélie Lemieux | Un livre à soi (Montréal)


Si je lis les auteur·rices du Québec avec autant d’enthousiasme, c’est parce qu’il existe un endroit bruxellois hors du commun sur la rue de Flandres : la librairie Tulitu. Je suis certaine que je ne suis pas la seule lectrice à pouvoir saluer ce lieu, qui nous est précieux.

Cela fait bientôt dix ans que la librairie existe – elle fêtera ses bougies en mars, avec une belle soirée autour de la poète Marie Uguay – grâce à l’énergie initiale d’Ariane Herman et de Dominique Janelle, et depuis, avec la joie et les emballements d’autres personnes : deux Élise(s), Camille, Manon, Lisa, Kevin et celles ou ceux que j’oublierais au passage.

Je me souviens d’une soirée électrique avec Stéfanie Clermont et Alexie Morin pour Le jeu de la musique. Je me souviens des cinq ans de la librairie avec Rodney Saint-Éloi, Paul Kawczak, Lucille Ryckebush et Mylène Lauzon nous livrant l’emblématique Speak White, de Michèle Lalonde. À vous donner des frissons. Je me souviens d’un beau dialogue entre la regrettée Irène Kaufer (une grande féministe et syndicaliste belge, grande habituée de la librairie) et son amie par-delà les frontières Martine Delvaux, dont l’incandescent Pompières et pyromanes, entre autres, continue de m’accompagner. Je me souviens d’une soirée épique avec Larry Tremblay, pour son Œil soldat, et de sa délicatesse.

Je me souviens d’une rencontre nécessaire autour du Virus et la proie, de Pierre Lefevbre.

Je me souviens que lors d’une discussion que j’animais, Catherine Lalonde lisait, juchée acrobatiquement sur une chaise, des extraits de son merveilleux La dévoration des fées couplés à du Josée Yvon. Un moment si étonnant que je suis retournée la voir lire à Paris, au Monte-en-l’air – un autre lieu voué à la diffusion de la littérature québécoise, et pour lequel il me tient à cœur de souligner mon attachement.

J’entends Ariane dire « C’est mon auteur préféré au monde », au sujet de François Blais ou d’Éric Plamondon. Ou « J’adore ce texte », pour évoquer Lait cru de Steve Poutré. Ou accueillir à bras ouverts Kev Lambert, à chaque tournée chez nous, comme quelqu’un de la famille.

Je revois Dominique, toujours emballée de me faire rencontrer des éditeur·rices, des auteur·rices ou des textes. Au point de m’inviter à (re)faire le voyage vers Montréal, en tant que journaliste, pour rencontrer d’encore plus près celles et ceux qui écrivent, éditent et traduisent chez vous. J’aurais pu vous citer 1001 autres exemples et j’espère qu’il y en aura encore beaucoup d’autres dans l’avenir.

Sans Tulitu, je crois que je ne serais pas la même lectrice aujourd’hui. Ma francophonie serait plus rétrécie ; mes étagères, plus tristes ; mes repérages en librairie, moins vivants. Sans Tulitu, je n’aurais pas pris l’habitude de célébrer la littérature québécoise non seulement le 12 août, mais bien d’autres jours aussi.

Anne-Lise Remacle | Tulitu (Bruxelles)


Je dois remonter à l’année 2003, durant laquelle je cherchais à me « nourrir », côté littéraire.

Un jour, je suis donc entrée dans une librairie (j’étais en Estrie, à ce moment-là), cherchant au hasard, livre par livre, dans la section « littérature », celui qui pourrait m’inspirer à écrire. Soudain, mon attention s’est dirigée sur une couverture blanche au titre qui correspondait de près à ce que j’attendais : Écrire en atelier… ou ailleurs. J’ai aussitôt acheté le livre pour le dévorer d’une traite le lendemain. Ce qui m’a ensuite incitée à rechercher un programme en littérature. J’ai navigué sur plusieurs sites universitaires, pour finalement découvrir, sur le site de l’Université Laval, un programme en création littéraire. Je me suis vite informée. Et c’est M. Jean-Noël Pontbriand (alors directeur du département de littérature) qui m’a contactée. J’ai réalisé peu de temps après qu’il était l’auteur du livre que j’avais acheté il y avait quelque temps. Quelle incroyable et heureuse coïncidence !

Il m’a remis une liste de livres à acheter à la librairie… Pantoute, rue Saint-Jean, à Québec. J’ai trouvé le nom bien amusant et intrigant.

Bref, j’ai fait volontiers le trajet Sherbrooke-Québec pour acheter mes livres là-bas. Dès mon entrée, ce fut le coup de cœur… et le coup de foudre : d’abord, l’accueil du libraire ! Avec un sourire, une disponibilité et un grand souci de satisfaire ses clients : c’était d’une évidence frappante ! Puis les étagères, que je trouvais disposées de façon originale, remplies de livres de tous bords tous côtés, l’effet d’un beau vertige littéraire enveloppant et bienfaisant. J’avais l’impression d’être entrée dans un lieu sacré, où je devinais que nulle distraction ne viendrait interférer dans mon exploration livresque.

Puis, un peu plus tard, le petit escalier au fond m’a efficacement et « littérairement » séduite aussitôt que j’y ai posé mon regard. Il mène à la mezzanine, où l’on trouve une panoplie de crayons, de carnets, de cahiers de formes et de couleurs autant éclatantes qu’incontournables. En avançant un peu plus loin, on se retrouve parmi les beaux livres et les ouvrages précieux, dont les livres de voyage !

Alors, depuis toutes ces années, je me plais à dire à qui veut l’entendre (ou pas) que c’est Ma librairie ! Je ressens un attachement presque viscéral ; en tout cas, indéfectible. Je n’en démords pas. D’autant plus que l’accueil et le service nous « offrent » toujours la même qualité exceptionnelle. C’est du pur bonheur d’y entrer !

France Cliche | Pantoute (Québec)


Au gré des librairies que je visite, j’explique aux libraires que je suis une infirmière clinicienne en santé mentale à la recherche d’ouvrages de fiction. Je souhaite mettre en place des activités de lecture pour les patients dans mon milieu de soins, tout en m’inspirant de la bibliothérapie. Je suis un peu gauche, je fouine, je ne sais pas vraiment ce que je cherche, j’espère tomber sur des trouvailles auprès d’érudits du livre. 

Un jour, à la librairie du Square de la rue Saint-Denis, un libraire affairé s’arrête et m’écoute. Il réfléchit en silence, il prend son temps : « De la poésie… Je pense que j’ai quelque chose pour vous. » Il va cueillir un beau livre jaune imprimé sur du papier doux.  Il retourne derrière son comptoir, ouvre le livre, solennel, cherche une page, prend une respiration, me regarde et m’offre une lecture. 

Je sais, à ce moment précis, que ce libraire comprend. Il sait exactement ce qu’il me faut. Je suis sidérée, je le remercie chaudement et j’achète sur-le-champ le recueil de Camille Readman Prud’homme. 

Ce libraire m’a transportée, alors que je ne m’y attendais pas, il m’a amenée ailleurs, il m’a fait réfléchir. Il m’a offert un moment de bibliothérapie, une lecture à voix haute, un soin. Il m’a proposé un recueil de poésie qui restera un de mes classiques auprès des patients. Il m’a lu un extrait qui est devenu un baume pour bien des souffrances rencontrées.

Hélène Denoncourt | Librairie du Square (Montréal)


Avant d’envoyer le manuscrit de mon premier recueil de poésie aux Éditions du Noroît, je vais chez Gallimard, une de mes trois librairies du quartier. Mes enfants, et maintenant mon petit-enfant, adorent bouquiner là. Dès notre arrivée, ils descendent directement, avec notre chien, à l’étage de la littérature jeunesse. Je reste en haut, moment de rituel unique, je vais payer À la recherche du temps perdu, dans la collection « Pléiade », cadeau d’anniversaire pour ma fille.

Non sans timidité, je demande au libraire qui est à la caisse de me parler des maisons d’édition de poésie qu’il aime. Sans hésiter, il me pointe un autre libraire, Luc Antoine.

Je m’approche de Luc Antoine en observant les tatouages et les boucles d’oreilles cachées par sa tuque.

– J’ai écrit un livre de poésie et je me demandais : quelles maisons d’édition qui publient ce genre aimes-tu ?

– Ah bien sûr ! Au fait, d’où venez-vous ?

– De l’Argentine, mais j’ai écrit mon livre en français.

– Connaissez-vous Flavia García ? Elle vient de l’Argentine elle aussi et elle a été publiée chez Mémoire d’Encrier. 

En souriant, j’acquiesce. 

– Flavia est une copine ! Pourrais-tu écrire le nom de trois maisons d’édition sur ce bout de papier ?

Il écrit : Éditions du Passage, Éditions du Noroît et L’Oie de Cravan.

Je le remercie et je pars en courant, gênée et nerveuse de perdre le papier.

J’envoie le manuscrit par la poste et par courriel. Trois semaines après, Mélissa Labonté et les Éditions du Noroît acceptent de le publier. 

Un an après, je me rends chez Gallimard pour annoncer à Luc Antoine la sortie de mon livre. Je lui dis : « Tu te rappelles le petit papier ? » Je le remercie une fois de plus en lui disant que, pour rendre honneur à cette synchronicité, nous aimerions faire le lancement ici. Olivier adore l’idée. L’évènement, original, rassembleur et dynamique, est un véritable succès. Cent vingt personnes bercent le livre, les récits et les ciné-poèmes sont magnifiques.

Laura Bari | Gallimard (Montréal)


Chacune des vitrines de la librairie Pantoute m’attire. Chaque fois que je passe sur Saint-Joseph, mon pas ralentit, puis s’arrête. Ce matin justement, Paul-Albert me tend son large sourire à travers la vitre. Il m’a reconnue. J’entre.

Au fil des trente dernières années, j’ai choisi des livres ici, j’ai été souvent guidée vers des lectures captivantes. Au comptoir, on m’a toujours accueillie avec respect sans juger la macédoine de titres et d’auteurs retenus. Québécois, français, traduits de l’islandais (ceux dont les patronymes se terminent par son ou dottir), de l’italien, de l’américain ou du japonais ; du roman policier au roman tout court, de l’autobiographie à la poésie ou l’essai philosophique, des albums pour enfants… Tout est possible chez Pantoute.

Aucune demande ne semble farfelue aux yeux de ces libraires. Il y a quelques années, je demandais conseil pour un roman, avec pour seules exigences qu’il soit bien gros et palpitant. En un clin d’œil, on m’a suggéré L’ombre du vent, de Carlos Ruiz Zafón. C’était la lecture parfaite pour affronter les longues heures de transport qui m’attendaient. Je ne compte plus les titres recommandés par ces libraires passionnés qui m’ont permis d’explorer de nouveaux territoires littéraires. 

Ce matin donc, je n’ai aucune idée précise en tête, car je viens de faire le plein à la bibliothèque. J’erre chez Pantoute entre les étagères, fais le tour des îlots, longe la section des livres pour enfants. Je me plante finalement devant les présentoirs de suggestions des libraires. Sur la tablette de Paul-Albert, j’examine les titres, surtout des classiques de la littérature. Une autrice retient mon attention : Marina van Zuylen. Connais pas. C’est surtout le titre qui m’intrigue : Éloge des vertus minuscules. Voilà, j’ai trouvé le prétexte pour aller à la rencontre de mon libraire préféré afin d’en savoir plus. Je l’interromps dans son travail, il ne semble pas m’en tenir rigueur. Avec la verve que je lui connais, il m’explique pourquoi ce livre devrait me plaire, en particulier par les temps qui courent. Paul-Albert a toute ma confiance. J’ai hâte de me plonger dans cette nouvelle lecture.

J’adore toutes les librairies de quartier, même si Pantoute demeure ma préférée. J’aime traîner dans ces lieux, être entourée de personnes qui, comme moi, apprécient la lecture et ont soif de découvrir d’autres mondes.

Claire Laliberté | Pantoute (Québec)


La région des Laurentides est une « région exploitable », où il faut toutefois beaucoup de courage pour faire le commerce des livres. Pourtant, à Saint-Sauveur, une toute petite librairie, L’Arlequin, a ce courage, pour le plus grand bien de la communauté.

Le propriétaire, Christian Huron, ne cesse de trouver les meilleurs titres. C’est un homme dévoué qui s’entoure de personnes aux qualités semblables. Quand j’appelle pour connaître la disponibilité d’un livre qui vient de m’être recommandé, même s’il n’est pas récent, c’est Éric, Nathalie et les autres libraires qui s’efforcent de le trouver. Avec un certain empressement, toujours avec une grande gentillesse.

Comme je peine à me déplacer, c’est mon conjoint qui a la tâche d’aller cueillir mes choix. Qu’à cela ne tienne, on prend le temps de discuter avec lui ! Parfois, il jase de musique avec Éric, tandis que j’attends patiemment dans la voiture. 

Étienne, qui travaille à L’Arlequin, a tout de même un peu frissonné quand je lui ai demandé le dernier Mannoni ; quand, trois jours plus tard, j’ai fini le livre, je me suis empressée de le rappeler pour lui raconter mon escapade chez ce traducteur de Mein Kampf. Il a aussitôt mis le livre dans la vitrine de la librairie, avec la mention « recommandé par une lectrice ». Même pas « une cliente » ! Non, une lectrice. C’est ce que je suis, c’est ce que nous sommes, et c’est ce que sont ces magnifiques personnes qui travaillent pour la boutique L’Arlequin. On s’y sent accueilli·es par des lecteur·rices dévoué·es. 

Lucie Mayer | L’Arlequin (Saint-Sauveur)


En plein milieu d’une pandémie mondiale est né, à Sherbrooke, un refuge fabuleux au cœur du centre-ville : la librairie Appalaches. 

Sylvain et David sont d’exceptionnels libraires, leur librairie est un lieu d’une grande beauté.
J’avais l’habitude d’y aller pour bouquiner : je repartais toujours avec des suggestions qui m’ont beaucoup plu. 

Lorsque j’ai vécu le décès d’un proche, je me suis intéressée au sujet de la mort dans la littérature jeunesse. Peut-être pour trouver des clés de compréhension et pour aborder cette thématique avec mes enfants. J’ai eu un échange empreint d’une grande sagesse avec David, qui s’est montré très ouvert et à l’écoute. Comme quoi, dans cette librairie, les émotions sont acceptées et écoutées.

Florence Côté-Fortin | Appalaches (Sherbrooke)


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