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Condamner une liberté

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Annabelle Lamont, Collège Montmorency

La version qui n’intéresse personne, paru en 2023 aux éditions Le Quartanier et premier roman d’Emmanuelle Pierrot, touche par son récit bouleversant, nécessaire et incroyablement humain.


Écrit à la première personne, ce roman relate l’arrivée de Sacha et de son meilleur ami, Tom, dans une communauté punk du Yukon, à Dawson. Là-bas, la protagoniste vit plusieurs années dans ce qu’elle considère être le «paradis». Entre une liberté totale, tant financière, individuelle que sexuelle, et un entourage inclusif, Sacha s’épanouit. Or, de jour en jour, elle remarque certains évènements qui détonent: des remarques, des regards, une absence d’invitations aux fêtes… Sans rien qui l’annonce, l’écart entre la communauté et la protagoniste se creuse, jusqu’à ce que cette dernière ne puisse plus compter sur personne pour l’aider ou la croire.

La version qui n’intéresse personne concerne tout le monde non seulement en raison des enjeux dépeints, mais également parce que le revirement de situation vécu par Sacha, réaliste, est présenté subtilement et laisse une profonde impression. Des thèmes comme le deuil d’une amitié de longue date, l’itinérance et la misogynie sont explorés en profondeur. Sans entrer dans des termes plus « universitaires » (qui sont toutefois discutés par certains personnages secondaires, comme en écho à ce que Sacha vit), l’autrice arrive à illustrer comment une femme qui décide d’exister d’abord et avant tout par et pour elle-même peut voir ce choix – qui va pourtant de soi – se retourner contre elle. Bien que le roman aborde des sujets lourds, plusieurs moments de joie et d’espoir parsèment le récit, qu’il soit question de l’amour de Luna, la chienne-louve de Sacha, ou encore de la beauté des paysages du Yukon.

Si certains passages brisent parfois le ton du récit, comme le prologue un peu sensationnaliste, ou les paragraphes qui s’adressent directement à la lectrice, le tout demeure poignant. L’autrice n’hésite pas à jouer sur la notion de contradictions: un personnage qui se proclame féministe, mais qui fait des avances déplacées, une communauté punk aux valeurs de gauche qui condamne sans écouter, un meilleur ami qui s’inquiète tout en contribuant aux rumeurs… Ces contrastes apportent une profondeur supplémentaire au récit, car personne, ni Sacha ni les Dawsonites, n’est sans défauts.

La version qui n’intéresse personne, Emmanuelle Pierrot


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